"Celle-là" : Discours d'ouverture des 48èmes JNE, par Peggy Alonso

Bonjour à tous,

M. Milleville, M. Stecker, M. Boiron, M. Braun, merci pour votre présence et vos précieuses interventions.

C'est pour moi le moment gênant où votre voisine, ou votre voisin, vous donne un coup de coude et vous glisse : « C'est qui celle-là ? »

Celle-là a été infirmière puéricultrice en hôpital pédiatrique pendant 13 ans. Comme beaucoup, je suis partie en raison de conditions de travail dégradées, notamment avec un management inadapté et peu soutenant. Comme vous, j’y ai fait le triste constat d'une prise en charge non satisfaisante de l'enfant, certainement liée à une absence criante d’infirmières puéricultrices dans l’ensemble des services pédiatriques.

Celle-là, toujours la même, a également exercé en modes d'accueil et se demande comment une responsable de structure peut garantir la bientraitance et le bien-être de l'enfant en crèche, avec le choix du gouvernement de permettre à des professionnels non formés d’exercer auprès de l’enfant. Nous attendons donc beaucoup du Service Public Petite Enfance pour donner une nouvelle impulsion à l’accueil du jeune enfant. Petite avancée pour notre profession : la reconnaissance des compétences des puéricultrices pour exercer la fonction de Référent Santé et Accueil inclusif, qui garantit un accompagnement à la santé et à la parentalité pour les enfants porteurs de maladie chroniques et de handicap. Fonction RSAI qui, selon nous, devrait être étendue à tous les enfants et permettre la prévention précoce tant nécessaire à notre système de santé.

Celle-là, encore, est arrivée en service de PMI en 2011 et, comme nombre d’entre nous, j’y ai vu mes activités augmenter dans un contexte de désertification médicale. Tout comme le souligne très justement Madame Peyron, qui nous fera d’ailleurs l’honneur de sa présence vendredi, je déplore que mon travail, notre travail, ne se consacre principalement qu’à la protection de l'enfance au détriment des missions de prévention et de promotion de la santé. Pourtant, notre ministère l’a bien compris en changeant de nom pour devenir Ministère de la Santé et de la Prévention. Est-ce un signe ?

Toujours celle-là, qui n’a fait que constater et déplorer le gouffre existant dans la prise en charge de l’enfant en dehors de l’hôpital et des structures de soins et d’accueil, faute d’un secteur libéral aujourd’hui complétement détourné de la pédiatrie.

Et enfin, comme vous j’imagine, j’ai redécouvert l’ANPDE lors des JNE. Je ne vous cache pas ma surprise d’avoir été représentée successivement par 2 hommes ! Brillants, certes, mais 2 hommes, pour une profession presque exclusivement féminine. Désolée Charles !

 

Avec cette introduction peu protocolaire - et je ne m’en excuse pas - je ne cherche pas à vous exposer tous les détails de mon parcours. Mon objectif est simplement de vous faire comprendre que ma priorité, la priorité l’ANPDE, est de représenter toutes les puéricultrices et puériculteurs, exerçant dans différents secteurs d’activités, mais ayant la même préoccupation : la santé et le bien-être de l’enfant et de sa famille. Je voudrais vous dire combien je suis à la fois fière et heureuse d'être devant vous aujourd'hui.

Vous l’aurez compris en donnant ce fameux coup de coude à votre voisine que c'est une première pour moi, puisque c’est il y a tout juste un mois que j'ai eu l'honneur d'être élue à la présidence de l'ANPDE, et ainsi succéder à Brigitte Prévost que je salue.

Cependant, si c'est moi qui me tiens devant vous aujourd'hui, c'est avant tout une équipe qui a été élue.

Une équipe composée par un bureau et un conseil d'administration. Soyez en sûrs : sans une équipe soudée, avec la même vision, nous ne pourrons pas avancer, nous ne pourrons pas défendre la profession !

Et puis il y a la team JNE. Je voudrais m’arrêter un instant pour les saluer. Ils ont œuvré pour que, une fois encore, nous puissions vous offrir de belles et prometteuses journées d’études. Organiser un tel évènement nécessite beaucoup de temps, d’heures, de soirées, de week-end passés loin des proches et des familles. Alors je vous demande de saluer Virginie, Estelle, Stéphanie, Axel, Charles, Fabien, Marine et Sébastien ! Nous le savons, c’est aussi et avant tout cela l’engagement associatif : un investissement pour la défense de notre métier.

Un immense merci également pour toutes celles et ceux qui, dans l’ombre, chaque jour de l’année au sein de l’ANPDE et dans les différentes commissions qui la composent, permettent à notre association de continuer son travail pour protéger la profession. Et de cela, j’en suis fière !

De ces remerciements, je ne serais pas complète si j’omettais de saluer nos partenaires et exposants. Au nom de toute l'ANPDE, je tiens à leur exprimer ma profonde gratitude et leur dire que, année après année, par leur confiance renouvelée, ils sont aussi les piliers de notre réussite.

Des journées qui, au-delà du plaisir de se retrouver, donnent à notre profession la possibilité de grandir, de se crédibiliser et de préparer l’avenir. Nous vous proposons cette année un programme riche et varié qui pose cette question essentielle :

« Comment vont nos enfants ? ».

Nous allons explorer divers aspects de leur bien-être et de leur développement. : Comment vont-ils à l'ère du numérique ? Où en sommes-nous à l’aune des 1000 et un premiers jours ? Nous parlerons environnement, qualité et sécurité des soins pédiatriques. Et comme chaque année, vous aurez l'opportunité de participer à des ateliers, des symposiums et des tables rondes qui couvrent un large éventail de sujets pertinents.

Ces moments d'échange et de partage d'expériences vous permettront d'approfondir vos connaissances et d'explorer de nouvelles perspectives. Nous ferons également un point sur l’actualité lors de la tribune, avec Charlotte Caubel et Michèle Peyron, entre autres, qui apporteront leurs connaissances et leurs visions concernant la politique de santé de demain.

 

J’évoquais précédemment les membres du bureau, du conseil d’administration, de la team JNE… Et bien, au-delà de cette garde rapprochée, c'est vous, chacun d’entre vous, qui construisez l'avenir de notre association, l’avenir de notre profession... Chaque action, chaque décision que nous prenons ensemble aujourd'hui fera sens demain.

Nous sommes, ensemble, les artisans de notre propre destin professionnel. C'est à nous de façonner la voie que notre profession empruntera et de la soutenir au quotidien sur le terrain.

La profession évolue, l'ANPDE aussi.

Si nous ne sommes pas les acteurs de notre avenir, d'autres le seront pour nous, soyez-en sûres.  Alors, je vous invite à porter haut et fort nos convictions pour l'avenir des générations futures.

« Quel serait votre rêve pour la puéricultrice ? »

C’est en ces termes que nous avons interrogé les membres du conseil d’administration il y a quelques temps. Et de leurs rêves, nous avons créé des objectifs. Des objectifs que nous atteindrons, je vous le garantis !

Le premier objectif est de finaliser la réingénierie du diplôme de l'IPDE, en le portant au niveau Master. Nous sommes la seule spécialité à ne pas être « masterisée ».

Le deuxième objectif est d'établir une nomenclature d'actes spécifique à l'IPDE. Nous sommes tous convaincus qu'avec cette avancée, nous serons une solution pour rendre l'accès aux soins possible pour tous.

Alors que le gouvernement évoque un parcours de santé à travers les 1000 premiers jours de l’enfant, il est essentiel de se demander comment construire ce parcours sans intégrer le secteur libéral. L'absence de codification empêche les puéricultrices de garantir des soins pédiatriques pertinents et de qualité en ville.

Il est regrettable qu'en 2023, nous devions encore implorer une reconnaissance des actes de prévention, alors que la Charte d'Ottawa de 1986 prônait déjà la promotion de la santé. Les Canadiens ont depuis longtemps démontré les bénéfices d'investir dans la prévention : chaque dollar investi en prévention permet d'économiser 10 dollars pour la société.

Nous avions placé nos espoirs dans les actions de Mme Peyron, qui a demandé une cotation des activités de prévention des puéricultrices en PMI, c’était en 2019 ! De même, M. Taquet avait sollicité une étude sur les activités des puéricultrices, qui malheureusement n'a toujours pas vu le jour. Pourtant, nous sommes toutes convaincues de l'importance de la prévention. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un modèle économique solide. Rembourser une consultation de puéricultrice permettrait d'éviter des passages aux urgences ou des hospitalisations bien plus coûteuses pour notre système de santé.

Il est temps de mettre en place des mesures concrètes et de reconnaître pleinement le rôle crucial des puéricultrices dans la prévention et les soins pédiatriques. Ensemble, nous pouvons faire entendre notre voix et œuvrer pour un système de santé plus efficace, axé sur la prévention.

Enfin, notre troisième objectif vise à rendre les IPDE incontournables dans notre système de santé, en reconnaissant pleinement nos compétences et notre leadership. Nous voulons que notre voix soit entendue et que notre expertise soit valorisée dans toutes les décisions relatives aux soins pédiatriques et à l’accompagnement des familles.

Ces objectifs et ces défis sont ambitieux, mais nous sommes déterminés à les réaliser ensemble. Avec ces objectifs, nous construirons un avenir solide pour notre profession, et le bien-être des enfants. Il y a un an presque jour pour jour, lors des Journées d’Angers, Jacques Attali nous rappelait que « Les enjeux et les menaces qui sont devant nous, chacun le sait, chacun le dit, sont gigantesques… Et les réponses ?  Elles balbutient. Timides. Locales. Utiles. Nécessaires. Encourageantes. Mais pas à la hauteur des enjeux… ».

Alors, c'est à vous que je m’adresse, Messieurs et Mesdames les politiciens, qui pourrez peut-être nous apporter ce grand tournant que toute notre profession, et je dirais même plus, notre système de santé, attend. Un système de santé qui intègre les compétences des paramédicaux, en s'appuyant particulièrement sur les puéricultrices pour assurer une prise en charge de l'enfant adaptée, quels que soit les besoins et les milieux de vie.

Je terminerai avec une citation chère à notre association :

Certains veulent que ça arrive,

D’autres aimeraient que ça arrive,

Et les autres font que ça arrive.

Ensemble, soyons de ces derniers.

 

Je déclare officiellement les 48èmes Journées Nationales d’Etudes de l’ANPDE ouvertes.

 

 Lille, le 14 juin 2023

Estelle Ledon